samedi 10 mars 2012


Bien exposer ses photos

Comprendre les principes de l’exposition photographique


Introduction:
On m’a proposé, suggéré, d’écrire quelques articles de vulgarisation sur la lumière et l’exposition photographique. Vous trouverez le résultat de ce travail ci-dessous. J’ai essayé de rester aussi simple et didactique que possible, bien que je ne sois ni enseignant, ni même formateur... Bonne lecture!

Les règles qui font qu’une photo est bien ou mal exposée (ou plutôt, qui font que la photo est exposée comme vous le souhaitez) sont simples. Il s’agit seulement de déterminer quelle quantité de lumière va venir frapper, soit la pellicule présente dans l’appareil, soit, de nos jours, le capteur photosensible qui l’a le plus souvent remplacée.

Au repos, la surface du capteur est cachée, la lumière ne vient pas la frapper.

C’est vrai, il y a des exceptions : d’abord, tous les petits appareils compacts ou bridge, qui pour la plupart n’ont pas de viseur optique. La seule manière de cadrer avant de prendre la photo, c’est de regarder l’écran arrière. Pour que cet écran montre une image, il faut bien que la lumière frappe le capteur, afin que la scène saisie par celui-ci soit répercutée sur l’écran et nous montre ce que nous allons photographier. Ce même principe a d’ailleurs été copié sur les reflex avec les systèmes dits live view, qui sont disponibles en plus du viseur optique.

Sur les reflex, ce sont les lamelles métalliques de l’obturateur qui, comme son nom l’indique, obturent, cachent le capteur. L’« exposition », c’est donc le fait d’exposer le capteur à la lumière en provoquant l’ouverture de l’obturateur, puis sa fermeture, plongeant de nouveau le capteur dans le noir. Au bout de combien de temps ? Cela va dépendre de plusieurs facteurs :

  1. l’intensité de la lumière : il est facile de comprendre qu’en plein soleil de midi en été, davantage de lumière viendra frapper le capteur qu’un matin d’hiver par temps couvert ;
  1. la sensibilité du capteur : de la même manière que, jadis, on pouvait charger son appareil avec une pellicule plus ou moins sensible, la sensibilité du capteur peut être ajustée par l’utilisateur, le gros avantage étant qu’on n’est plus obligé d’attendre la fin de la pellicule avant de modifier ce réglage… ;
  1. la grosseur du « tube » par lequel va passer la lumière avant d’atteindre le capteur.
Détaillons ces trois variables, ainsi que la quatrième, le temps de pose, c’est-à-dire le temps pendant lequel l’obturateur restera ouvert, permettant à la lumière (plus ou moins intense) de venir frapper le capteur (plus ou moins sensible) en passant par un « tube » plus ou moins gros.

Lagune de Venise, orage d’été

 

L’intensité de la lumière

C’est par excellence la donnée « naturelle » à laquelle le photographe ne peut pas grand-chose : il y a du soleil ou il n’y en a pas, des nuages ou pas. Cependant, s’il y a trop de lumière, on peut la tamiser en utilisant des draps, des rideaux, en cherchant l’ombre, voire en vissant sur l’objectif des filtres dits « gris neutres », qui n’ont aucune influence sur les couleurs mais diminuent simplement l’intensité générale de la lumière, comme si l’on plaçait un nuage devant le soleil.

Venise, calle del Cristo, sous une lumière...divine! ;o)

De même, si la lumière est insuffisante, il est parfois possible de recourir à des éclairages artificiels (au premier rang desquels le flash) pour pallier le manque… pour autant que le sujet ne soit pas distant de plus de quelques mètres, faute de quoi le recours au flash est parfaitement inutile : photographier la tour Eiffel de nuit en « l’éclairant » avec le petit flash embarqué, ne sert évidemment à rien du tout. En studio, voire en extérieur, on peut utiliser des flashes plus puissants, ou encore des sources de lumière continues (projecteurs), pourvu que l'on dispose d’un accès à l’énergie électrique (secteur ou batteries spéciales).

Si l’on part du principe, pour simplifier, que la lumière est présente en quantité suffisante, la seule chose qu’il est nécessaire de faire à son propos est de la mesurer afin, justement, de déterminer combien il y en a (le posemètre intégré au boîtier s’en occupe), puis de la doser afin de n’en admettre à l’intérieur de l’appareil que la quantité qu’il faut.

 

Le temps de pose

Le temps de pose est souvent appelé (improprement) vitesse d’obturation. Les anglophones font la même erreur en l’appelant shutter speed, d’où le mode « S » présent sur nos appareils. En fait, cette variable n’a qu’un rapport indirect avec la vitesse à laquelle l’obturateur s’ouvre et se ferme, puisque le temps de pose est, en fait, le laps de temps pendant lequel l’obturateur va rester ouvert, permettant donc à la lumière de venir frapper le capteur. Cette durée est en général exprimée en fractions de seconde : 1/60e de seconde, 1/125e, 1/250e, etc. Parfois, lorsqu’on fait des photos de nuit ou pour réaliser certains effets spéciaux, il faut prolonger le temps de pose pendant plusieurs secondes, voire pendant plusieurs minutes car très peu de lumière vient frapper le capteur ; on parle alors de photos réalisées « en pose longue ».

Venise, la nuit, bassin de San Marco

L’effet secondaire indésirable du temps de pose apparaît quand celui-ci s’allonge : il s’agit du flou de bougé causé par les légers mouvements involontaires du photographe, voire par sa seule respiration. Lorsqu’on utilise des temps de pose courts (on dit souvent, toujours improprement, « des vitesses rapides »), 1/125e de seconde ou plus courts, l’obturateur reste ouvert trop peu de temps pour que ces mouvements soient perceptibles sur la photo, mais à 1/30e de seconde, voire moins, il est prudent d’utiliser un support, monopode ou trépied, faute de quoi l’image sera « tremblée », manquera de netteté, voire deviendra franchement floue. De plus, quand on travaille en pose longue, le long moment pendant lequel le capteur est exposé à la lumière et le réchauffement qui en résulte peut induire l’apparition de « bruit numérique », donc on reparlera plus loin à propos de la sensibilité du capteur.

 

La sensibilité du capteur

La sensibilité d’un capteur d’appareil-photo numérique est variable et peut être ajustée, soit automatiquement par l’appareil lui-même, soit par l’utilisateur. L’intérêt de cet ajustement est bien sûr de compenser la baisse de la lumière disponible (on augmente alors la sensibilité du capteur), ou au contraire son accroissement (on diminue la sensibilité du capteur).

C’est que ce qu’on faisait avec les pellicules : selon le type de photos qu’on comptait faire, on achetait une pellicule « lente » ou « rapide », c’est-à-dire plus ou moins sensible à la lumière. Aujourd’hui, l’électronique embarquée dans le boîtier permet de modifier la sensibilité du capteur d’une photo à l’autre. Par convention, cette sensibilité se mesure avec la même unité (l’ISO, acronyme d’International Standards Organization) que celle dont on se servait (et dont on se sert encore, bien sûr) pour les pellicules : 100 ISO, 200 ISO, 400 ISO, etc.

Ici, l’effet secondaire dont il faut se méfier est que, lorsque l’on demande au capteur de monter en sensibilité, la photo risque de devenir « bruitée », c’est-à-dire de comporter des parasites visibles sur l’image, tout comme les pellicules ultra-sensibles de naguère avaient plus de « grain » que leurs collègues moins sensibles. Toutefois, alors que ce grain était souvent plaisant à regarder, le bruit numérique l’est beaucoup moins. Il faut dire aussi que les fabricants ont fait des progrès dans ce domaine, et que l’on peut aujourd’hui, avec la plupart des reflex, « pousser la sensibilité » jusqu’à 800 ISO, voire bien davantage, sans provoquer l’apparition d’un bruit numérique trop gênant.

 

La grosseur du « tube » par lequel passe la lumière

Lorsque l’obturateur s’ouvre, la lumière ne vient pas frapper directement le capteur : elle passe d’abord à l’intérieur d’un objectif dont les lentilles vont permettre de la focaliser, c’est-à-dire, en simplifiant, « d’organiser » tous ces rayons lumineux afin qu’ils ressortent « en bon ordre » à l’arrière de l’objectif et viennent alors frapper le capteur d’une manière aussi cohérente que possible : tout manque d’organisation se traduira par des déformations de l’image, des franges colorées, l’assombrissement des angles, une perte de netteté, etc.

En plus de ses différentes lentilles qui vont ainsi organiser les rayons lumineux, l’objectif contient un dispositif mécanique, le diaphragme, qui, par un jeu de lamelles plus ou moins circulaires, aura pour effet principal de faire varier la quantité de lumière qui sera effectivement autorisée à traverser l’objectif pour aller frapper le capteur. Comme pour le temps de pose, l’appareil lui-même peut se charger de régler l’ouverture du diaphragme, mais l’utilisateur peut le faire aussi, et ce réglage aura bien sûr une influence directe sur l’exposition.

Contrairement au temps de pose qui s’exprime en fractions de seconde, en secondes, en minutes, bref en unités faciles à comprendre pour chacun, l’ouverture (ou la fermeture, c’est la même chose) du diaphragme s’exprime au moyen de chiffres bizarres auxquels on ne comprend pas grand-chose, et qu’on se contente souvent d’apprendre par cœur en attendant d’en savoir plus. C’est certainement, de ce point de vue, la donnée photographique la plus difficile à assimiler pour le néophyte, qui ne peut la rattacher à aucune réalité : apprendre par cœur sans comprendre pourquoi est toujours frustrant. Néanmoins, à ce stade, c’est ce que vous allez devoir faire, sauf si vous avez envie de lire les petits caractères ci-dessous, qui vous en diront un peu plus.

Sans entrer dans les détails véritablement très complexes de l’optique, disons que l’« ouverture » d’un objectif est le rapport entre sa longueur focale et le diamètre de sa lentille frontale (celle sur laquelle il ne faut pas poser les doigts de crainte d’y laisser des traces qui dégraderont la netteté de nos photos). Un objectif est le plus souvent décrit par cette longueur focale, exprimée en millimètres, et par la valeur maximale de cette ouverture, c’est-à-dire par le « diamètre du tube » qu’offrira l’objectif lorsque le diaphragme sera complètement ouvert, ses lamelles complètement rétractées et n’opposant donc aucun obstacle au passage de la lumière à travers les lentilles.
Ainsi, un objectif d’une longueur focale de 200 mm dont la lentille frontale a un diamètre de 50 mm, aura une ouverture maximale de :

50 : 200 = 1/4

Pour simplifier, on ne retient de la fraction que son dénominateur, et l’on parlera alors d’un objectif de « 200 mm f/4 » (souvent abrégé en 200/4), le « f/ » symbolisant par convention le ratio dont la valeur de diaphragme est le dénominateur comme montré ci-dessus.

Donc, les valeurs principales que peut prendre l’ouverture du diaphragme d’un objectif sont par exemple les suivantes : 2.8, 4, 5.6, 8, 11, 16, etc. Ces valeurs sont en général précédées d’un signe « f/ » : on parle donc d’un objectif « ouvert à f/4 » ; cela ne veut pas dire que cet objectif sera ouvert en permanence à son ouverture la plus grande de f/4, cela veut simplement dire qu’il est capable, si besoin est, d’atteindre cette valeur maximale. Ces chiffres et nombres un peu barbares résultent de conventions datant des débuts de la photographie, mais même aujourd’hui, il est utile de les connaître et de les mémoriser si l’on veut comprendre comment bien exposer ses photos, nous verrons pourquoi tout à l’heure.

L’effet secondaire à surveiller en matière de réglage du diaphragme concerne la profondeur de champ. Pour expliquer très sommairement cette notion, rappelons qu’une photo va traduire en deux dimensions une réalité tridimensionnelle. Les objets apparaissant sur une photographie ne sont pas tous à la même distance de l’appareil ; certains apparaitront nets, alors que d’autres pourront être plus ou moins flous lorsqu’on regardera la photo. Lesquels seront nets ou flous, et pourquoi, dépend de plusieurs paramètres dans lesquels on n’entrera pas à ce stade, mais sachez que l’un de ces paramètres est l’ouverture du diaphragme : plus il est ouvert (c’est-à-dire plus la valeur de diaphragme est petite, puisque cette valeur, rappelez-vous, est un dénominateur : 4 signale donc un diaphragme plus ouvert que 8 car un quart est plus grand qu’un huitième…), plus la zone de netteté (qu’on appelle « profondeur de champ ») sera courte, et donc plus il y aura du flou de part et d’autre du sujet sur lequel le point a été fait.

Venise, Al nono risorto

La deuxième partie de cet article dans quelques jours.

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